Monday 5 October 2015

Ramassant les pièces du puzzle centrafricain.

Depuis samedi passé il y a 40.000 nouveaux déplacés à Bangui, 800 prisonniers qui se sont échappés de la seule prison qui fonctionnait à la capitale, il y a des centaines de blessés y plus d'une trentaine de personnes sont mortes. Le frère d'une des victimes continue à travailler avec moi à l'hôpital. Quand j'apprendre la nouvelle, je lui dis qu'il peut rentrer chez lui. Il me remercie avec un air résigné, digne et triste. Mais il reste à son poste.

Aujourd'hui le nombre de twits à  propos de #CARcrisis s'est réduit un peu et la plus part parlent d'un calme tendue. Dans la salle de la télé, les pièces d'un puzzle énorme ont trouvé sa place grâce à l'immense patience de Angela. Je viens de finir un livre intitulé "Making sense of the Central African Republic", quelque chose du genre "comprendre la République Centrafricaine". Voyons si j'ai réussis. 

Un peu d'histoire.

La première chose que j'ai appris est que depuis le dix-neuvième siècle, le pays a été très influencé par le Tchad, avec son sultanat esclavagiste qui a fait ses preuves par ici. Cela ne me surprend pas que dans l'histoire récente du Tchad, ils aient considéré qu’ils pouvaient s´entremettre et enlever des présidents a leur volonté. Demandez à Bozizé. Élevé au pouvoir par Déby, l'éternel président du Tchad, a été renversé ensuit par le milices Seleka, intégrées en partie par des mercenaires tchadiens, et remplacé par Michel Djotodia.

Déby, président du Tchad depuis 1990
Bozizé, président de la RCA de 2003 à 2013
Djotodia président de la RCA de mars 2013 à janvier 2014
La deuxième est que pour les français, ce qu'ils ont dénommé Oubangui-Chari, était né en fait comme un accident de l'histoire coloniale. Je m´explique. Les français voulaient contrôler l'Afrique depuis le Sénégal jusqu'à Djibouti, d'Ouest en Est, pour freiner les ambitions des anglais de contrôler l'Afrique du "Cape au Caire".

Pour ne pas trop tendre l'histoire : les français, après être arrivés jusqu'à Fashoda avec une expédition aventureuse, composée par de milliers de porteurs, mais que 150 solaires, quand ils se sont retrouvés avec les anglais, ils ont fait demi-tour sans que ceux-ci aient à tirer un seul coup de feux (supériorité navale britannique, les cas de Dreyfus en France...). Au moins, les anglais ont eu le détail de changer le nom de la ville pour que les français n'en souffre pas trop. Fashoda est à présent Kodok, et elle se trouve en Sud Soudan.  

Mais retournons en RCA. Le fait est que les français s'étaient déployés dans cette région,  et elle est devenue le ´cul de sac´ de son axe rêvé ouest-est. Et on dirait que ça continue à l'être :-(

Avec ces débuts et l'exemple de la voisine Congo belge ne surprend pas la manque de discrétion de la France pour laisser le pays dans les mains d'entreprises sans scrupules en échange de 15% des bénéficies obtenus. Et cela surprend encore moins l'exploitation sauvage des ressources tel que le bois, les nommés diamants de sang ou d'autres ressources et réserves naturels que chaque groupe (furtives et groupes armés anti-furtives où se sont formés quelques des rebelles du pays tel que le chef Seleka Joseph Zibdeko) a réalisé en absence d'une autorité central forte.

Cela semble facile; un classique. Cependant, pour mieux comprendre où placer les autres pièces du puzzle centrafricain, nous devons bien savoir où placer la République Démocratique du Congo. Avant que toute l'attention se porte vers le Nord,  au Tchad de l'autre côté du fleuve Chari, le voisin naturel se trouvait au Sud, de l'autre côté du fleuve Oubangui qui baigne la capital. Il ne fessait aucun doute quand Mobutu, l'ex-dictateur du Congo disait que Bokassa (empereur auto-proclamé de la RCA) était son frère mais que Kolingba (de sa même ethnie, Yakoma) était son fils.

Mobutuprésident du Zaïre de 1965 à 1997
"Empereur" Bokassaprésident de la RCA de 1966 à 1976
Kolingba, président de la RCA de 1981 à 2003
(Ils disent que Mantion, "proconsul" français étais le vrai chef)
La "famille congolaise" se casse quand Patassé, le seul président centrafricain qui a été élu démocratiquement, s'est associé avec Bemba, le dirigeant du MLC et en opposition au président Kabila. Cela est aussi vrais que Patassé, le plus charismatique et selon les mauvaises langues, quelqu'un qui aimait bien les fêtes, risquait aussi bien avec les amitiés qui fréquentait, tels que Gadaffi pour freiner l'influence du tchadien Déby. Mais le jeux n'est bien tourné et Déby a finalement aidé Bozizé à obtenir la présidence.

Patassé, le seul président démocratiquement élu de la RCA. Il a gouverné de 1993 à 2003
Au pillage de la France, qui n'a jamais disparu, les pressions du Congo en premier et du Tchad après, l'effet d'autres conflits voisins tels que celui de Dafur et la présence de groupes armées comme la Lord Resistance Army de l´ougandais Joseph Kony, aux conflits des agriculteurs locaux avec les nomades peuls, il faut rajouter une pièce qui paraît ne pas avoir une place dans ce puzzle: presque une douzaine de "missions de paix" internationales qui ont pris place par ici depuis les années quatre-vingt-dix jusqu'à la MINUSCA actuelle (avec la Sangaris française toujours présente).

Comment c´est possible que telle quantité des institutions, pendant autant de temps ont fait tellement peu?

Dans le livre de Tatiana Carayannis et Louisa Lombard, elles parlent de "l'accordéon de l'aide" qui arrive de façon abondante quand la situation est déjà désastreuse, mais qui disparaît avant même que les problèmes de fond commencent à se régler: sécurité, un développement économique qui arrive à la population, des institutions pas corrompues et stables... Les 400 millions d'aide humanitaire d'émergence qui ont été utilisé en 2014 sont trois ou quatre fois de plus que l'aide destinée au développement. En lieu, nous avons le circuit vicieux d'acteurs internationaux qui veulent partir le plus tôt possible et quelques élites locales qui ne veulent pas renoncer à leur privilèges dans un pays plus grand que la France, mais avec une population d'environ 4 millions de personnes qui vivent dans la pauvreté la plus absolue et avec une espérance de vie de seulement 47 ans. 

Peut-être l'exemple le plus claire se soit les 27 millions de dollars du fond  pour le programme de Désarmement Démobilisation et Réintégration que, comme ces derniers jours ont démontré, n'a pas vraiment servis à désarmer mais plutôt au contraire. La lenteur du processus du côté des élites pour continuer a recevoir de l'argent en plus de la résignation des donneurs a permis a beaucoup d'individus de joindre les groupes armées avec la promesse de l´argent à recevoir dans le future de les programmes du DDR.

Avec toutes ces pièces du puzzle, on commence à mieux comprendre la violence déclenché à la fin du 2012 et pendant le 2013 pour l'alliance des groupes Seleka du Nord oublié de le RCA, de majorité musulmane  (quelques ex-policiers antifurtives y d'autres mercenaires tchadiens) qui ont renversé le président corrompu Bozizé et sa famille installée au pouvoir. Notamment, la réaction Anti-Balaka, de majorité chrétienne qui répondra avec encore plus de brutalité et qui a fait renversé en une année le pouvoir du président Djotodia.

Ils manquent cependant les même pièces de toujours pour que le puzzle centrafricain ne saute pas en l'air chaque fois que les uns ou les autres donnent un coup de poing sur la table régionale. Est-ce que la communauté internationale et la MINUSCA des erreurs passées? Quelle influence aurait-il dans le processus la possibilité de vendre les diamants de sang? Est-ce que la présidente de transition, Catherine Samba-Panza trouvera-t-elle les pièces de paix, stabilité et fiabilité institutionnel dont le pays à besoin avant que des élections plus au moins démocratiques soient organisées?  

Cela paraît assez peu probable quand elle même à été impliquée dans un cas de corruption sur la concession des droits d'exploitation des diamants à la fille du président angolais Dos Santos, après que Angola avait donné 10 millions d'aide au développement et 5 millions encore qui sont disparus dans le parcours. Ou chaque fois qu'un médiateur comme le président du Congo Brazaville, Sassou Nguesso, regarde plus pour l'appui de la France pour son troisième mandat que pour la résolution des problèmes de la population. 

Catherine Samba-Panza, présidente de transition de la RCA depuis 2014

Mais tous les jours, quand je parcours la même route de terre que devient un fleuve chaque fois qu'il y a un orage, et que cependant tous les jours c'est à nouveau une promenade où enfants et adultes de sourires et espoir infatigables te saluent par ton prénom, je comprends qu'il y a encore des pièces de ce puzzle qui ne sont encore pas dans le livre que je viens de finir. Je croix que je commence à apercevoir un petit bout de ce merveilleux puzzle. 




 Et chaque fois que je regarde mon collègue qui continue à prendre soin des malades malgré que son frère vienne d'être tué dans les incidents de la semaine dernière, j'ai aucun doute que quand nous tous serons capables d'apporter notre contribution pour que toutes les pièces du puzzle trouvent sa place, les centrafricains pourront finalement profiter de son paradis entre le fleuve Oubangui et Chari.



[Entré traduit au français par mon amie Isabel. Merci beaucoup Isabel !!!]

No comments: